Nos amies les normes : une histoire de boule au ventre et de lessives hyper efficaces

Au fil des rencontres lors des missions qui nous sont confiées dans différents secteurs industriels, nous sommes amenés à étudier les difficultés que les personnes rencontrent. Et au panthéon de ces difficultés industrielles trône fièrement la question des systèmes normatifs.

 

Il est frappant de constater à quel point ces systèmes, qu’il s’agisse de règles, labels, certification, référentiels de toutes natures… sont considérés de façons aussi variées. Cela est dû bien évidemment aux activités et aux contextes propres à chacun, mais ce n’est pas de cela dont il s’agit. En fait, il y a deux extrêmes :

  • D’un côté nous avons les personnes ou les entreprises dont les activités sont entièrement balisées par une ou des normes, et qui ne pourraient pas vivre sans elles.
  • De l’autre on s’entend dire à quel point ces normes n’ont aucun sens, voire pire, vont à l’encontre de ce qu’impose le bon sens opérationnel. (« Il va m’entendre l’auditeur »)

Entre les deux, une large palette de managers plus ou moins enthousiastes, qui profiteront plus ou moins volontiers de l’audit à venir pour questionner leurs processus ou qui se battront plus ou moins pour faire cohabiter les inamovibles certifications ISO avec les référentiels de leurs entreprises et/ou ceux que la filière impose. (Les sandwiches normatifs pouvant être remarquablement épais.)

Pour les domaines dans lesquels il y a des enjeux importants comme des risques industriels majeurs, le sujet est d’autant plus sensible qu’il est question entre autres, de maitriser ces risques.

C’est une question capitale, et ainsi les doutes s’installent :

Le staff est-il assez compétent pour pallier les failles du système normatif ? Comment s’en assurer ? Le système normatif est-il assez robuste pour pallier les problèmes de compétences ? … et comment s’en assurer ?

La boule au ventre, on voit vite les impasses et les difficultés pour en sortir.

Certaines pointures affirment détenir la vérité « Faites comme je vous conseille, ce sera plus blanc que blanc. » comme une injonction qui implique de rester dans l’impasse si on ne suit pas le conseil…

…nous préférons déterminer d’abord la couleur qui serait la plus adaptée. Parce que pour sortir de ce genre d’impasse, il n’y a pas de réponse toute faite. Chaque secteur d’activité et chaque contexte a ses spécificités qu’il faut prendre en compte pour trouver la bonne direction et déterminer comment la prendre.

 

Nos amies les normes : aussi une histoire de curseur

 

Pour illustrer concrètement cette difficulté, prenons deux exemples.

 

Soit une entreprise A dont le fonctionnement repose davantage sur la gestion des opérations à vue. Elle place sa confiance dans ses employés, qui par leur ancienneté, leur expérience et leur intelligence des situations, garantissent une bonne maîtrise des risques. Ça marche mais la direction s’inquiète légitimement des conséquences à moyen / long terme : Et s’ils partent ? Et au moment du départ en retraite ? Que va-t-il se passer demain si le niveau baisse sur le terrain ?

Soit une entreprise B dont le fonctionnement repose davantage sur la gestion planifiée des opérations. Tout est prévu, normé, certifié. Aucun espace de liberté, aucune initiative n’est possible. C’est du solide ! Pour autant, que va-t-il se passer s’il se met à pleuvoir / si les contraintes de marché changent brutalement / si les opérationnels n’adhèrent plus / si…

 

Vous le voyez venir le curseur ?

 

La bonne « couleur », c’est la position du curseur qui conjugue A et B, qui fait le pont entre la gestion à vue et la gestion planifiée. C’est la position qui garantit que les risques sont maitrisés à la fois parce que les opérationnels savent gérer à vue, mais aussi parce que les managers planifient suffisamment.

Comme un équilibre vertueux, où chacun partage la conviction que la maitrise des risques est l’affaire de tous. Des opérationnels de terrain comme des managers de bureaux assoiffés de normes (pas tous…).

Malheureusement, là encore, pas de recette miracle, d’abord parce que l’un ne va pas sans l’autre si l’on souhaite positionner le curseur au bon endroit, mais aussi parce que le rapport entre les deux est mouvant, en cohérence avec les contextes dans lesquels les entreprises évoluent, mouvants eux-aussi.

 

En pratique, les meilleurs moyens que nous ayons expérimentés pour instaurer cet équilibre consiste dans l’ordre, à :

 

1. Dresser un état des lieux « authentique ». C’est-à-dire en ségréguant les faits des inférences. La tâche peut s’avérer ardue, mais c’est un préalable indispensable pour prendre des décisions éclairées.

2. Réunir l’ensemble des parties-prenantes : bien sûr ceux qui gèrent à vue et ceux qui planifient, mais aussi tous ceux qui gravitent autour, les services support, les autorités diverses et variées…

3. Et enfin orchestrer l’identification des solutions, au coude à coude avec les parties prenantes et dans les bonnes conditions (singulières). C’est là que la recette prend forme. Et elle n’est pas magique cette recette, contrairement à ce que prônent ceux qui lavent blanc.